Le chef de Team Canada, Samuel Sirois tentera de décrocher la première place au Bocuse d’Or à Lyon

La compétition internationale du Bocuse d’Or se déroulera à Lyon du 20 au 23 janvier 2023. Après avoir obtenu la médaille d’argent au Bocuse d’Or Amériques, le chef de l’ITHQ, Samuel Sirois et son commis représenteront le Canada parmi les 23 autres équipes internationales. Ils se confronteront aux meilleurs chefs pour tenter de décrocher l’or en France.

1. Samuel, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous, notamment sur votre parcours, vos inspirations et votre palmarès ?

Mon parcours est assez atypique. Je suis allé au collège et à l’université avant que le plus beau métier du monde me choisisse. En effet, il ne s’agit pas d’un choix de ma part, mais bien de l’inverse. Il fut ardu pour moi de me débarrasser de ma carapace d’intellectuel pour aller graduellement vers la chose qui m’attirait : la boulangerie et la cuisine. Avant d’être cuisinier et de faire mes gammes dans ce métier, j'étais boulanger. Mon amour des choses bien faites, de la perfection et mon obsession pour comprendre les saveurs m’ont amené à aller perfectionner mon art en Europe. C’est en voyageant sur ce continent que j’ai pu ouvrir mes horizons gustatifs. Lors de mon retour à Montréal, j’ai travaillé dans les hôtels, les spas et j’ai commencé à m’intéresser aux concours et notamment au Bocuse d’or, une compétition qui me fascine et m’obsède depuis 2011.

2. En juillet dernier, vous avez obtenu la deuxième place au Bocuse d’Or Amériques vous qualifiant ainsi pour les grandes finales du Bocuse d’Or à Lyon, quel a été votre ressenti de savoir que vous allez participer à la plus prestigieuse compétition culinaire du monde en janvier 2023 ?

J’ai été pris d’un immense vertige, mais en même temps d’une joie infinie et d’une reconnaissance envers ceux et celles qui m’aident à faire de ce parcours vers la compétition un rêve devenu réalité.

3. Vous êtes professeur de cuisine à l’ITHQ, quelles valeurs essayez-vous d’inculquer à vos étudiants pour être un bon chef ?

Je pense, en toute honnêteté, que j’essaie de transmettre à mes étudiants la passion, pas celle qui est passagère, mais celle qui vient du cœur. J’essaie de leur fournir les outils nécessaires, pour qu’ils/elles aient confiance en eux et aussi qu’ils/elles aient suffisamment d’humilité pour plonger dans l’inconnu et se dépasser.

4. Vous avez 5h30 pour cuisiner un plat et dresser un plateau chaud sous l’œil exigeant des meilleurs chefs du monde, c’est très intense et ça peut être stressant. Avez-vous des petites habitudes ou techniques pour canaliser la pression ?

C’est en effet hyper stressant et exigeant à plein de niveaux. Mais avec le temps nous avons développé, avec l’équipe, une méthode ou je répète les mêmes gestes, les mêmes mouvements, jusqu’à ce que mon cerveau n’ait plus besoin de réfléchir. Il s’agit de développer des habitudes fortes, juste avant d’entrer dans le box, en étant dans le box et en y sortant. Cette routine devient un moyen de me sécuriser.

5. Que pensez-vous de la gastronomie française ? Est-ce que vous avez un attachement particulier avec un ou plusieurs types de cuisine française, un chef français ou un plat en particulier ?

Premièrement, il ne s’agit pas de ce que je pense, mais bien de ce que je ressens pour la gastronomie française. J’aime profondément ce savoir-faire, cette rigueur absolue que les étoiles Michelin doivent conserver pour toujours faire briller leurs étoiles. L’art de la table, l’importance accordée aux produits, à leur origine et aux producteurs, le soin apporté à leur traitement, définissent pour moi une grande partie de la gastronomie française. Tout cela sans oublier évidemment, les techniques mises de l’avant par les maitres de cette gastronomie, qui, aujourd’hui, font école partout dans le monde.

J’ai un attachement très particulier pour les plats et la boulangerie alsacienne. Peut-être pour y avoir vécu et avoir eu la chance de rencontrer des producteurs qui m’ont expliqué leur terroir. Cela étant dit, la France est un pays riche de ses terroirs et de ses régions multiples, qui m’inspirent.

De plus, mon coach Gilles Herzog, un chef pour qui j’ai un immense respect et admiration, est originaire de Provence, alors je dois dire que je commence aussi à m’enticher de cette région et de ses spécialités.

Il ne s’agit pas tant d’un plat préféré, comme d’un souvenir indélébile dans ma tête et mon âme. La richesse d’une technique et qui selon moi est l’un des plats emblématiques de la gastronomie française : le soufflé. J’ai eu la chance de déguster le meilleur soufflé de la terre chez Monsieur Pierre Gagnaire, à Paris en 2007.

6. Le monde de la restauration évolue constamment et joue un rôle crucial sur notre impact sur la planète, quelle est votre vision pour l’avenir ?

Je pense que l’évolution est bonne et nécessaire. Il faudra passer du mode interrogation au mode action. La consommation de produits carnés spécifiques et non variés, le dépouillement des océans et la mauvaise gestion de nos sols doivent prendre fin. Les anciens, en cuisine, ne banalisaient pas l’économie, la revalorisation des produits moins nobles pour en faire des produits d’exceptions. Moins noble ne veut pas dire de piètre qualité, bien au contraire. Les plus belles créations culinaires inscrites dans les codes de la gastronomie française viennent du savoir-faire pour utiliser les produits à leur plein potentiel. Mais c’est à nous, dans nos cuisines et restaurants, d’éduquer nos clients; de les amener à découvrir autre chose que ce qu’ils connaissent.

Faites l’exercice ! Demandez-vous combien de variétés de pommes vous connaissez, puis consommez et regardez les variétés qui existent. Vous aurez tout de suite votre réponse, à ce que nous devons changer pour arrêter de bousiller notre planète. La réponse du futur passera selon mon humble opinion par un équilibre dans la consommation de la VARIÉTÉ, alimentaire. La consommation effrénée des mêmes produits est ce qui appauvrit nos terres, les élevages, les cultures et les océans.

L’éducation par l’assiette deviendra l’arme la plus puissante pour combattre les impacts négatifs que notre industrie a sur l’humanité et notre planète.

7. Pour finir, est-ce que vous auriez une anecdote croustillante à nous partager par rapport à la France ?

Pas tant croustillante, mais j’ai tout de même les plus beaux souvenirs gravés en moi avec ce Pays. D’ailleurs, depuis 2003, que je voyage fréquemment chaque année en France. Paris, Lyon et Strasbourg sont pour moi les plus belles villes de la terre. Là où immédiatement je n’hésiterais pas à y vivre.

Je suis un grand amoureux de la France, et ce pour toujours.